La logistique urbaine de quoi parle-t-on?
Réorganiser la livraison urbaine est une impérieuse nécessité pour plusieurs raisons. Avec 15 à 20% du trafic routier, elle génère 45% des émissions de particules fines dues au transport. L’impact sur les émissions de Gaz à Effet de Serre est comparable. D’autres effets justifient une attention spécifique : la livraison urbaine participe à la congestion routière, notamment lors du stationnement, mais aussi aux émissions sonores et aux risques d’accidentologie.
Par la multiplicité des flux évoluant dans les agglomérations, la logistique urbaine est constituée d’une myriade d’opérations souvent très fragmentées. Cette dispersion des flux est exacerbée par la croissance du e-commerce et une rapidité, parfois même une immédiateté, recherchée par les destinataires.
La prise de conscience de ces enjeux par les pouvoirs publics est à l’origine de réglementations de plus en plus contraignantes dans les cœurs de villes mais aussi de l’émergence de Zones à Faibles Emissions.
La livraison urbaine devient un métier
La logistique urbaine doit alors se structurer autour d’organisations différentes et de véhicules mieux adaptés au milieu urbain dense : véhicules électriques, au GNV[1], vélocargos, parfois même la livraison à pied.
Pour livrer en véhicules propres et mieux consolider les flux, il est alors nécessaire de rapprocher l’immobilier logistique de la zone urbaine. Plusieurs niveaux apparaissent de plus en plus clairement.
En périphérie des grandes agglomérations, la messagerie et le groupage apportent des solutions de consolidation. Par exemple, la société Urby, entité du groupe La Poste déjà présente dans plus de 20 agglomérations, constitue une réponse à un besoin de meilleure consolidation des flux.
Un second maillon plus proche du cœur de ville est constitué d’Espaces Logistiques de Proximité permettant de livrer en vélocargos ou en petits véhicules électriques. De quelques centaines à quelques milliers de mètres carrés, ces espaces jouent un rôle essentiel dans la réorganisation de la livraison.
Certains espaces encore plus petits peuvent être mis en place dans les quartiers pour des livraisons de proximité, des points relais ou des conciergeries. Souvent situés en pied d’immeubles, ils apportent une réponse très locale aux besoins d’un quartier.
A chacun de ces espaces correspond un ensemble d’opérateurs qui développent des services adaptés aux exigences des clients.
Rapprocher les stocks des consommateurs
Livrer plus vite nécessite aussi de rapprocher les stocks. Si la vitesse de livraison a toujours été une nécessité dans des secteurs comme la santé ou les pièces détachées, les impacts immobiliers les plus visibles sont aujourd’hui dans le secteur de l’alimentaire.
Trois formes d’espaces maillent progressivement les agglomérations. Les dark stores, entrepôts alimentaires de proximité, de surface variable en fonction du nombre de références proposées - de 300 à près de 1500 m² - permettent d’assurer une préparation de commandes et une livraison en quelques dizaines de minutes. Dans une récente étude, l’APUR[2] a comptabilisé plus de 80 espaces de ce type à Paris pour des groupes de distribution, comme Franprix ou Monoprix, mais surtout pour des acteurs très médiatisés du quick commerce, tels Cajoo, Gorillas, Getir ou Flink.[3]
A l’instar des drives de la grande distribution en périphérie des villes, le concept de drive piéton dans les cœurs de villes devient un produit immobilier en tant que tel. En général d’une centaine de mètres carrés seulement, il permet à des grandes enseignes comme E.Leclerc ou Auchan de proposer l’assortiment d’un supermarché. Une des dernières déclinaisons de ce concept est celui du drive piéton automatique imaginé par Delipop, qui vient d’ouvrir son premier espace à Paris.
Une troisième typologie d’espaces complète ce maillage : les dark kitchens. Cuisine partagée dédiée à la livraison, cette catégorie s’implante en cœur de ville ou en proche périphérie sur des surfaces variables. 25 dark kitchen sont déjà répertoriées par l’APUR dans Paris intramuros.
Le paysage immobilier des grandes villes verra ainsi se développer des catégories nouvelles d’espaces logistiques mais aussi d’acteurs du retail et de la livraison. Mais au-delà du concept proposé, ces acteurs souvent de création récente, devront rivaliser de créativité et d’énergie pour trouver un modèle équilibré sur le plan environnemental, social et économique. C’est là le défi auxquels ils sont confrontés.