Le commerce en pleine transformation – Etape 3 - Le centre commercial de demain
Le centre commercial de demain
C’est en 1954, il y a près de 70 ans, que l’architecte Victor Gruen invente le concept de Shopping Mall en construisant le Northland Center de Detroit. Ce concept s’est rapidement étendu à de nombreux pays, dont la France. Le Conseil National des Centres Commerciaux recense 839 centres commerciaux en France regroupant 38 800 commerces dont le chiffre d’affaires est estimé à 129 milliards € soit 5% du PIB de la France. 550 000 emplois directs sont générés par ces équipements commerciaux. Il s’agit donc d’un secteur de première importance.
Pourtant, le principe même du centre commercial est souvent remis en cause. Pointé du doigt car privilégiant les déplacements en voiture individuelle, par son empreinte carbone et l’artificialisation des sols qu’il entraine, mais aussi directement concurrencé par l’e-commerce, le centre commercial n’attire plus, ou moins qu’avant. Le nom même de « centre commercial » fait débat. Suroffre commerciale ? Concept inadapté aux enjeux environnementaux et de logistique urbaine ? Principe usé après 70 ans de bons et loyaux services ? Essayons de décrypter les tendances actuelles.
Expliquer la vacance commerciale
Le taux de vacance dans les centres commerciaux était en 2021 de 11,6%. L’évolution du télétravail a perturbé l’affluence dans les grands centres commerciaux situés proches des principales zones d’emplois. Après deux années de crise COVID et une période actuelle de crise économique et de transformation des modes de travail, les centres commerciaux font face à une évolution du concept.
Ce chiffre de surfaces inoccupées est le reflet de la consommation des ménages, en recul en cette période d’inflation et de crise énergétique. Si les mégacentres commerciaux souffrent de ces évolutions sociales, les petits centres commerciaux affichent de leur côté un taux de vacance de plus de 13%, peut-être du fait d’un renouvellement plus complexe.[1]
Les enseignes elles-mêmes, qui constituent les principaux locataires des centres commerciaux, suivent des évolutions contrastées. Les difficultés de Go Sport ou de Camaïeu mais aussi de certaines enseignes de produits bio dont les médias se font écho masquent les réussites de nouveaux concepts. L’enseigne Footkorner ciblant une clientèle urbaine de 15-25 ans trouve ainsi sa place sur un marché très concurrentiel. C’est aussi le cas de Fitness Boutique, situé sur un segment de marché en croissance ou de Naumy Mode, se positionnant résolument sur un segment de produits à bas prix. Le segment des produits discount, très prisé en période de crise économique, profite à des enseignes telles qu’Action, Gifi, Stokomani, Maxi Bazar ou B&M (Babou).
Une évolution législative plus restrictive
Dans un objectif de soutien aux centres villes mais aussi de réduction du rythme d’artificialisation des terres, la Loi Climat et Résilience rend la construction de centres commerciaux plus difficile voire impossible pour des surfaces de plus de 10 000 m². Les enjeux sont alors de faire preuve de plus de sobriété. Les acteurs du secteur ont déjà très largement anticipé cette évolution. Si construire du neuf devient compliqué, rénover et transformer l’existant est plus que jamais la priorité.
Ainsi, le Spot, à Evry Courcouronnes, centre commercial datant des années 1970, fait l’objet d’une profonde transformation. 126 000 m² alliant culture, loisirs, sport, santé et commerce verront le jour en 2023 dans le cadre d’un partenariat public-privé entre la SCC et la ville d’Evry-Courcouronnes.
Autre exemple, celui de la transformation de la zone commerciale nord de Strasbourg par le groupe Frey. Après Shopping Promenade Cœur Alsace ouvert en 2021, le groupe prévoit en 2023 un nouveau parc O’centre. Ces sites se présentent comme des balades commerciales à ciel ouvert et intègrent des espaces verts, des fontaines, kiosques et aires de jeux.
Vacance commerciale en croissance, développement de l’omnicanal, attentes différenciées des consommateurs, incitent les développeurs à transformer le modèle et, pourquoi pas, à revenir au fondement même du concept qu’avait imaginé Victor Gruen : un centre commercial comme lieu de promenade, de culture, de loisirs, de rencontres…
A l’occasion du 60ème anniversaire de la Société des Centres Commerciaux (SCC), son président, Robert Strom, nous indique qu’ « aujourd’hui, dans une période où les doutes sont émis sur le futur du commerce physique, les destinations commerciales doivent se présenter comme de véritables lieux de vie, de rencontres, d’interactions, d’expériences, de sociabilisation ».[2]
Un point de vue que partage la fédération Procos, qui réunit 310 enseignes commerciales : « la crise montre plus que jamais que les pôles commerciaux ont besoin de se renouveler et de se réinventer. En centre-ville comme en périphérie, l’objectif commun doit être celui de l’adaptation des pôles commerciaux aux transformations d’un commerce plus omnicanal, plus responsable face aux enjeux environnementaux et climatiques… tout en restant profitable. »[3].